Salmonelles: la flore intestinale à l’origine du développement asymptomatique de la maladie

Les infections par des salmonelles peuvent donner lieu à un large éventail d’évolutions pathologiques. Selon les dernières découvertes scientifiques, la flore intestinale expliquerait pourquoi certains cas sont bénins alors que d’autres sont extrêmement graves.

Une infection par des salmonelles peut entraîner des conséquences très diverses. Tandis que certaines personnes infectées ne sont aucunement gênées par l’infection bactérienne – on parle alors d’une évolution asymptomatique – d’autres en revanche souffrent de gastro-entérite sévère. Dans de très rares cas, une salmonellose peut même entraîner la mort. La raison pour laquelle la gravité de la maladie varie était jusqu’à présent largement inconnue.

Aujourd’hui, la microbiologiste Alyson Hockenberry, postdoctorante au département de recherche de microbiologie de l’environnement du professeur Martin Ackermann à l’Eawag a découvert une possible cause: la flore intestinale naturelle de la personne infectée et ses produits métaboliques. Avec d’autres chercheurs de l’institut de recherche sur l’eau Eawag et de l’EPF Zurich, elle a découvert que les acides gras à chaîne courte, qui sont produits par les bactéries présentes dans l’intestin peuvent exercer une influence décisive sur l’évolution de la maladie.

Les astuces des salmonelles

Le plus souvent, les salmonelles pénètrent généralement dans l’appareil digestif par le biais d’aliments contaminés. Afin de se substituer le plus rapidement possible à la flore intestinale naturelle et de coloniser l’intestin, les agents pathogènes ont des astuces bien à eux. «L’une de ces astuces est de produire différents types de cellules au sein d’une population de bactéries génétiquement identiques», explique Alyson Hockenberry. «Chaque type de cellule est spécialisé pour une fonction précise. Cela présente des avantages car la coopération de différents types de cellules augmente la capacité des salmonelles à déclencher une maladie.»

Un type de cellule peut être spécialisé par exemple pour déclencher des inflammations dans la muqueuse intestinale. Les inflammations augmentent d’une part la disponibilité des nutriments pour les salmonelles, et d’autre part, provoquent la mort de la flore intestinale naturelle. Cela ouvre des niches pour la colonisation des agents pathogènes envahisseurs. Un second type de cellule est spécialisé pour croître rapidement et occuper ainsi aussi vite que possible les niches qui se libèrent. L’interaction de ces deux types de cellules offre un avantage considérable aux salmonelles. C’est ainsi qu’en quelques heures, elles peuvent se substituer aux bactéries de la flore intestinale naturelle et occuper l’espace.

La flore intestinale riposte

Néanmoins, la flore intestinale n’est pas sans défense. À l’aide d’expérimentations et de simulations stochastiques, l’équipe de chercheurs qui travaillent avec Alyson Hockenberry a pu démontrer que les acides gras à chaîne courte, c’est-à-dire les produits métaboliques de la flore intestinale naturelle, ralentissent la croissance du type de cellule inflammatoire. Plus la concentration en acides gras est élevée, plus leur croissance est freinée. «Nos résultats indiquent que les produits métaboliques influencent la coopération coordonnée des types de cellules et affaiblissent ainsi la propagation des salmonelles», déclare Alyson Hockenberry.

Explication possible des maladies asymptomatiques

Cela peut expliquer pourquoi les gens réagissent différemment à une infection par des salmonelles. Chaque personne abrite dans son intestin une composition individuelle de bactéries. Cela s’explique en particulier par les habitudes alimentaires de chacun. Tandis que la flore intestinale de l’un peut complètement bloquer la propagation des salmonelles, la flore intestinale d’un autre est peu ou pas en capacité de se défendre contre les agents pathogènes. La maladie suit son cours individuel, influencée par la flore intestinale.

«Nous espérons que les derniers résultats de nos recherches pourront contribuer à mieux comprendre comment se déclarent les infections asymptomatiques de manière générale», mentionne Alyson Hockenberry. «En effet, comme nous pouvons l’observer avec l’actuelle pandémie de corona, les infections sans symptômes jouent un rôle crucial dans la transmission des maladies.»

Publication originale
Microbiota-derived metabolites inhibit Salmonella virulent subpopulation development by acting on single-cell behaviors; Alyson M. Hockenberry, Gabriele Micali, Gabriella Takács, Jessica Weng, Wolf-Dietrich Hardt, Martin Ackermann; Proceedings of the National Academy of Sciences Aug 2021, 118 (31) e2103027118; DOI: 10.1073/pnas.2103027118 : https://doi.org/10.1073/pnas.2103027118

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